Agota Kristof s’inspire d’un quotidien banal, l’explorant comme à travers une loupe et fait apparaître les distorsions et les difformités de ses personnages.
Entrez, docteur. Oui, c’est ici. Oui, c’est moi qui vous ai appelé. Mon mari a eu un accident. Oui, je crois que c’est un accident grave. Très grave même. Il faut monter à l’étage. Il est dans notre chambre à coucher. Par ici. Excusez-moi, le lit n’est pas fait. Vous comprenez, je me suis un peu affolée quand j’ai vu tout ce sang. Je me demande comment j’aurai le courage de nettoyer ça. Je crois que je vais plutôt aller habiter ailleurs.
L’atmosphère étrange des nouvelles, leur concision, les ambiances théâtrales précises et aigues, entre fable et cauchemar donnent déjà à entendre une « musique ».
Je ne suis pas de l’espèce brutale. Ni de l’espèce vorace et stupide.
Le matin, quand vous vous réveillerez, comptez votre argent, vos bijoux, rien ne manquera.
Rien qu’un jour de votre vie.
La musique du spectacle, composée ou improvisée, fait entendre, tel un personnage autonome, son « propre texte ».
Dans une mise en scène épurée, le jeu de la contrebasse se noue à celui de la comédienne.
Pour tout décor, une porte… Notre imaginaire recrée automatiquement les murs qui devraient l’entourer… Et une tortue, vitesse métronomique du spectacle.
Mais je n’entre dans vos chambres que lorsqu’il est tard, quand le dernier des invités est parti, quand vos lustres hideux se sont éteints, quand tout le monde dort.
Fermez bien vos portes. J’arrive sans bruit avec des mains gantées de noir.
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